
Qu’est-ce qui est inne, qu’est-ce qui est construit dans notre vie erotique?
H eclairages a travers la memoire, la curiosite enfantine et l’homosexualite animale
Le sexe, evidemment. Nulle part ailleurs les batailles pour fixer la frontiere entre nature et culture ne sont plus passionnees qu’en ce domaine. Debat sterile, en realite: s’il reste inutile d’appeler Notre nature a J’ai rescousse contre l’homosexualite (qui s’observe chez des centaines d’especes animales), il va i?tre tout aussi vain d’y rechercher des recettes universelles (essayez de tomber enceinte comme les lezards fouette-queue, reptiles mexicains lesbiens qui se reproduisent sans male apres des frottements entre femelles). Tout y a, sexuellement, dans la nature comme dans la culture. Mais De quelle fai§on s’articulent-elles? Voici trois eclairages recents.
1 Freud dans un scanner
Depuis une quinzaine d’annees, le psychiatre francais Serge Stoleru et le groupe de recherche s’emploient a exciter des quidams enfermes dans des scanners. Moyen utilise: des images projetees, qui transforment la machine medicale en cabine de sex-shop. Objectif: identifier des correlats neuronaux de la pulsion sexuelle. Avec Freud dans une main et l’imagerie cerebrale dans l’autre, la neuropsychanalyse fera ainsi le tri dans la penderie freudienne: on vais garder ceci, on reprise ceci, on jette le reste…
Freud lui-meme aurait approuve le procede, note Stoleru dans un texte publie dans Frontiers in Human Neuroscience en mars 2014. Le fondateur une psychanalyse ne rejetait gui?re l’idee que les avancees d’la biologie fassent «s’effondrer l’ensemble de une structure artificielle d’hypotheses», comme il l’ecrivait au sein d’ Au-dela du principe de plaisir en 1920. Ca valait en particulier Afin de les pulsions, «l’element principal mais aussi le plus obscur en recherche psychologique».
Que evoque donc le scanner? Du survol propose par Stoleru, retenons un point lie i propos qui nous occupe. Si la pulsion sexuelle est de toute evidence votre facteur inne, nos caracteristiques des objets qui l’eveillent ne le seront gui?re. L’operation par laquelle le cerveau juge si un stimulus est sexuellement excitant (et combien excitant, l’eventualite echeant) «est executee en relation a des references internes, ou traces mnesiques dans le langage d’la theorie psychanalytique», ecrit le chercheur. L’«activation de l’hippocampe, une region cle Afin de la memoire», montre que c’est en lien avec celle-ci que des themes «definissent l’objet de leurs pulsions sexuelles». Ce n’est peut-etre pas une surprise, mais c’est une confirmation. La pulsion nous donne des instructions (souhaite! bande! mouille!), mais c’est notre vecu, fait de nos vicissitudes biographiques et du bouillon de culture ou l’on barbote, qui decide qui et quoi activera le chantier.
L’ecole du sexe
Si la pulsion fera office de moteur, la memoire – donc l’experience – fournit la feuille de route. Mais De quelle fai§on se forme-t-elle? Comment apprend-on votre qu’il faudrait savoir a propos du sexe? Question delicate, comme toutes celles qui relient eros et enfance. Tellement delicate, releve Lawrence Josephs, qu’on a largement omis de l’etudier. Psychologue a l’Universite Adelphi de New York, le chercheur repond via «une analyse inter-especes et transculturelle» dans une etude publiee en fevrier 2015 via nos Archives of Sexual Behavior .
On remarquera d’abord que le sexe reste bien une affaire d’apprentissage. Comme on le constate en 1800 a propos de l’«enfant sauvage de l’Aveyron», un primate qui atteint la puberte en ayant grandi a l’ecart de l’ensemble de ses congeneres ressent de l’excitation sexuelle, mais ne sait pas quoi en faire. Il en va ainsi des macaques etudies avec Harry Harlow dans les annees 50-60: «Eleves en situation d’isolement», ces singes ne savaient gui?re De quelle fai§on copuler «et pouvaient satisfaire avec violence a des situations sexuelles». Aussi, comment apprend-on? Chez les primates observes – chimpanzes, babouins, gibbons, bonobos –, cela passe par l’observation des etreintes parentales, ainsi que par des «jeux d’entrainement sexuels» ( sexual rehearsal play ) entre pairs, ou des juveniles imitent le comportement des adultes.
Ce trait observe aupres des autres primates s’est-il maintenu chez les humains? Reponse unanime, affirmative, des anthropologues qui se sont penches sur la question. Chez les natifs des iles Trobriand, Bronislaw Malinowski observait que l’enfant avait «la possibilite de analyser des parents a sa guise jusqu’a sa puberte». En parallele, «les bambins commencaient a s’engager dans des jeux sexuels dans les buissons. Les adultes acceptaient votre comportement, Afin de autant qu’il se deroule en prive. Les enfants s’adonnaient mutuellement a des stimulations manuelles et orales des organes genitaux, ainsi qu’a des coits simules.» Notre aussi chose s’observe chez nos Amharas d’Ethiopie, les Aymaras du Perou, les Santal d’Inde, les Sherpas du Nepal, les habitants des iles Alor dans l’archipel une Sonde, ainsi que chez les chasseurs-cueilleurs Hazda et Kung de Tanzanie. Il en allait probablement ainsi dans la prehistoire.
Apres votre Moyen Age ou les etreintes parentales semblent demeurer visibles et un age moderne qui voit se developper l’intimite, les m?urs actuelles se mettent en place depuis quelque trois siecles: des adultes se cachent Afin de coucher et les jeux sexuels entre bambins sont decourages. Comment apprend-on, alors? Selon Freud, bbwdatefinder site de rencontre une reellement grande curiosite sexuelle pousse les petits a se bricoler un connaitre avec l’ensemble des moyens: «Leurs recherches peuvent etre facilitees par l’observation en copulation d’animaux, ou via le fait de dormir dans la chambre des parents pendant la premiere annee.» Un siecle plus tard, l’information echangee avec des proches, Internet et l’education sexuelle ont pris le relais.
Faut-il se rejouir ou s’inquieter de votre tournant? Le questionner, est-ce s’engager concernant une pente glissante? Les observations rassemblees par Lawrence Josephs peuvent-elles alimenter des remarques dangereuses? Reponse en trois mouvements. D’une part, les plusieurs etudes disponibles indiquent, contrairement a votre qu’avancait Freud, que claque d’assister a Notre «scene primitive» – une relation sexuelle entre ses parents – n’est gui?re, en tant que tel, un evenement traumatisant. C’est «le schema des relations familiales» qui determine «les reactions a l’experience», note Josephs. D’autre part, il demeure avere que l’exposition des bambins a la sexualite parentale est traumatisante si l’enfant est converti par nos adultes en objet de desir et de plaisir. Enfin, releve le chercheur, «il ne s’agit aucun promouvoir un romantisme naif a propos du developpement psychosexuel humain», tel si «la prehistoire est votre paradis perdu», mais plutot «de mentionner la necessite de recherches supplementaires»: on veut savoir d’ou on vient et ou on va.